La scolarisation est-elle obligatoire dans les faits ? L’enseignement
de base a-t-il
atteint les objectifs qui lui sont dévolus entre autres la réduction
de l’abandon scolaire précoce et
l’éradication de l’analphabétisme? Quelle évaluation
du rendement interne de l’enseignement de base? Qu’en est-il de l’articulation
entre le dispositif d’éducation et
l’appareil de formation professionnelle? Le débat s’est amorcé
le 12/3/99 et
le 13/3/99 autour de ces interrogations et tant d’autres au cours d’un
séminaire organisé par l’association club Mohamed Ali de
la culture ouvrière en collaboration avec la Fondation Friedrich
Ebert à l’hôtel le Belvédère de Tunis et portant
sur “l’enseignement de base en Tunisie: les acquis, les défis et
les perspectives”. Une pléiade d’experts et de chercheurs ont animé
les travaux de cette rencontre et ont livré leurs réflexions
sur l’enseignement de base sous ses divers aspects juridiques, pédagogiques
etc., appelant à trouver les moyens susceptibles de combler les
défaillances et d’améliorer l’efficacité interne de
l’institution éducative.
Par ailleurs, ce séminaire est une occasion pour procéder
à une comparaison entre le système
éducatif tunisien, d’une part et les systèmes français
et espagnol, de l’autre.
Passage obligé
Intervenu à l’ouverture de ce séminaire, le représentant
du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi a indiqué
que l’éducation et la formation sont conçues à travers
les différentes réformesengagées, comme deux secteurs
solidaires, complémentaires et ouverts l’un
sur l’autre. L’objectif de ces réformes est en effet de développer
ces deux systèmes et d’en faire un tout intégré afin
de former des jeunes compétents et capables de s’insérer
dans le circuit de la vie
économique.
Selon son conception nouvelle, la formation professionnelle
n’est plus la conséquence d’un échec scolaire ou un espace
pour les recalés, elle tend toutefois à être un passage
obligé pour tous les jeunes afin d’accéder au marché
de l’emploi.
Et partant, l’on doit de rechercher les moyens à même
de faciliter le passage d’un système à
un autre. Le débat sur ce sujet doit s’inscrire dans la réflexion
générale entamée sur l’école de demain, a-t-il
conclu.
Apprendre à apprendre
Pressant la parole, le représentant du ministère de l’Education
a énuméré les défis que l’institution scolaire
se doit de relever. Il s’agit selon l’orateur de reconsidérer le
rôle de l’école en matière de la transmission de savoir.
Pour ce fait, l’école doit apprendre à l’élève
à apprendre sa vie durant.
Ce premier défi suppose entre autres de permettre aux élèves
de maîtriser l’évolution des techniques et d’avoir la capacité
de les critiquer.
Le deuxième défi est apprendre à faire. Ceci requiert
l’adéquation entre le système
éducatif et l’appareil de formation de manière à
ce qu’ils soient un tout
indissociable.
Le troisième défi est apprendre à être.
L’accès à la citoyenneté, s’effectue selon l’orateur
à travers l’école.
Et de conclure que la survie de l’école est tributaire de former
des gens capables de se construire
continuellement.
Gratuit... obligatoire “L’enseignement de base
en Tunisie: les principaux défis”,
tel est le thème de la communication qu’a présentée
M. Azzam Mahjoub, professeur d’économie à
la faculté des sciences économiques de Tunis. Pr Azzam
a présenté un exposé étayé de chiffres
sur
l’enseignement de base, mettant en exergue les défaillances
qu’il convient de combler. Le premier point évoqué par le
conférencier a trait au caractère
gratuit et obligatoire de l’enseignement de base. La Tunisie qui a
initié la réforme du système éducatif de l’année
1991 est en conformité avec l’article 26 de l’Alinéa 1 de
la
déclaration universelle des droits de l’Homme qui stipule le
droit à un enseignement élémentaire
obligatoire et gratuit. Quelle est la réalité de ce droit
en Tunisie? L’inscription est-elle obligatoire
dans les faits ? Et de répondre que l’inscription des élèves
âgés de 6 ans est quasi-totale en ce sens
qu’elle atteint 99%. L’objectif poursuivi par ce caractère obligatoire
est de permettre à un maximum d’élèves, soit 80% de
parvenir au terme de la 9ème année.
Le conférencier pense qu’on devrait aller au-delà du
chiffre c’est-à-dire à 90%, un taux
rencontré habituellement dans nombre de pays notamment développés.
Dans les faits, les 2/3 des enfants scolarisés parviennent au
terme du 1er cycle de
l’enseignement de base et entre 50 et 60% arrivent au terme de la 9ème.
Des progrès ont été donc accomplis entre l’avant
et l’après réforme. M. Azzam a par la suite parlé
des deux objectifs majeurs assignés à l’enseignement de base.
Primo: réduire l’abandon
scolaire, secundo: faire reculer l’analphabetisme . Certes, l’analphabétisme
a reculé sensiblement dans nos contrées.` En effet, au lendemain
de l’indépendance, les analphabètes
représentaient 84,7% de la population âgée de 10
ans et plus. En 1994, ce taux a baissé à
31,7%. Malgré les efforts consentis, l’ampleur de l’analphabétisme
demeure important.
En 1992, ajoute-t-il, une stratégie de lutte contre l’analphabétisme
a été mise en
place. Un centre d’alphabétisation a été par la
suite créé, ce qui a permis d’alphabétiser entre 17000
et 18000 personnes par an un chiffre certes important mais qui mérite
d’être amélioré.
Pour réduire ce phénomène d’une manière
significative, l’on doit faire un bond en avant et ce ,en
renforçant les programmes d’alphabétisation et en augmentant
les moyens matériels financiers qui
lui sont consacrés.
Un autre indicateur significatif et pouvant refléter la réalité
du phénomène de l’analphabétisme en
Tunisie a trait au nombre moyen d’années d’études de
la population active occupée âgée de 15 ans à
60 ans.
Ce nombre est passé de 2,3 années en 1975 à 5
années en 1994. Les progrès accomplis sont certes indéniables
mais restent en -deçà des ambitions du pays.
Le conférencier recommande de mettre en place une politique
plus volontariste et plus hardie pour
venir à bout de l’analphabétisme.
Autre point évoqué, par M. Azzam se rapporte à
l’amélioration de l’efficacité interne du système
éducatif dont la finalité est de réduire l’abandon
scolaire précoce.
Lorsqu’on pose la question de l’efficacité interne de ce système,
on pose systématiquement la
question de la pédagogie.
“L’enseignement de base est indifférencié et la pédagogie
est identique”, a-t-il souligné en
s’interrogeant “jusqu’à quelle mesure l’uniformité de
la pédagogie favorise, compte tenu de
la différenciation entre les enfants, la baisse de l’efficacité
interne et la multiplication des redoublements et des cas d’abandon? Sur
un autre plan, le conférencier s’est intéressé au
sujet
de l’articulation entre l’enseignement de base et la formation professionnelle.
La réflexion amorcée à ce sujet est de concevoir des
articulations positives non basées sur l’échec et
valorisant par là même la formation professionnelle.
“Or, la mise en place de ces articulations se heurte à des obstacles
réels”.
D’autre part, l’instauration de ce genre d’articulation ne doit pas
nous empêcher de penser à ceux qui sont éjectés
par le système éducatif. Et il cite, les actions multiples
menées en Tunisie pour remédier à l’exclusion. Il
s’agit des programmes de
défense et d’intégration qui s’inscrivent dans une stratégie
globale de lutte contre l’abandon.