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 Zaw

haggui hajer 6°lettres



Zaw est un garçon cambodgien qui a perdu ses parents et fui avec ses frères vers la Thaïlande où les problèmes continuent…

Entre ciel et terre, il ne pouvait penser qu’aux âmes qui lui étaient si chères et qui flottaient maintenant là-haut cherchant le calme, comme lui. Il voulait la même chose mais son chemin, c’était vivre ailleurs et leur chemin, le sommeil éternel.

Il entendait encore la voix de son père qui demandait à un soldat de lui vendre son pain pour la famille qui, comme toutes les autres familles cambodgiennes, souffrait de la famine. Au début, il le suppliait mais après, ce fut la furie et la rage. : il ne pouvait plus supporter d’être ainsi maltraité ; alors, il cria : «  Que voulez-vous encore ? Est -ce que vous ne pouvez trouver le plaisir qu’en nous regardant souffrir ? Sommes-nous des marionnettes ? N’avez-vous pas assez eu ? » Et c’est là que le soldat lui a répondu avec une balle en plein cœur. « Non, pas encore ».

Zaw courut vers son père allongé par terre, baignant dans son sang. Il le prit dans ses bras et versa de chaudes larmes ; son père le regarda pour la dernière fois et lui dit avec toute la force qui lui restait : « Ne pleure pas Zaw. Ton père meurt en homme parce qu’il a osé dire ce que d’autres pensent tout bas. »

Le père est mort et seulement deux jours après, la mère, surprise par une bombe, l’a rejoint. Il ne pouvait rien faire d’autre que pleurer en tenant la deuxième victime de la haine dans ses bras. Le drame, cette fois, était plus dur. Le corps de sa mère était totalement déformé par les brûlures. Il l’a reconnu à peine.

Toutes ces images étaient gravées dans sa mémoire et en plus il devait s’occuper de ses deux frères Tchong, âgé de douze ans et Ling, âgé de cinq ans.

Le voici, deux semaines après le drame, sur un petit navire, avec ses frères. Direction : la Thaïlande. Un fidèle ami à son père l’a aidé ; pas avec de l’argent parce que tous les habitants du village menaient une vie de misère mais en lui montrant le moyen d’éviter tous les dangers. Plusieurs autres gens, fuyant des situations dramatiques au Cambodge, étaient déjà là.

Lorsque Zaw et ses deux frères montèrent à bord, tous les yeux se posèrent sur eux et ne cessèrent de les regarder que quand ils s’installèrent dans un petit coin. A côté de Zaw, il y avait un jeune homme différent des autres par sa peau blanche ainsi que ses habits élégants mais sales exprimant, comme son visage, une extrême fatigue. C’était un journaliste appelé Christophe et qui prenait des notes sur un petit carnet.

Premier jour du voyage : Un garçon de dix-neuf ans vient de s’installer à côté de moi. Il est accompagné de ses deux frères. L’un d’eux l’a appelé Zaw, c’est certainement son nom. Tous ceux qui sont là ont des problèmes qui peuvent m’être utiles pour le livre que je prépare. Pourtant, je me sens attiré par le garçon d’à côté. Et c’est surtout son regard qui a une grande influence sur moi. C’est un regard unissant à la fois la haine et l’amour, la force et la faiblesse. Il s’occupe de ses deux frères d’une façon révélant les plus belles images et sentiments de fraternité. Où sont les parents ? Sont-ils morts ? Je suis impatient d’entendre son histoire : c’est un garçon plein de curiosité. Je lui ai offert de l’eau, ayant remarqué que le petit frère demandait sans cesse à boire. «  Tenez, c’est pour le petit. – Merci, monsieur… - Christophe – Lui, c’est Ling, il a cinq ans ; l’autre, c’est Tchong, il a douze ans et moi - Zaw, je sais : j’ai entendu ton frère t’appeler ainsi. Est-ce que les parents sont quelque part ailleurs ? – Oui ils sont morts, mon père a été fusillé par un soldat et deux jours après, ma mère meurt suite aux blessures d’une bombe. – Je suis désolé de vous le rappeler. – Est-ce que vous croyez que je l’ai oublié ? Pas même une seconde : c’est gravé dans ma mémoire parce que tout s’est passé devant mes yeux. – Et tes frères est-ce qu’ils étaient aussi présents?- Non, et c’est ce qui me soulage un peu : je ne veux pas qu’ils partagent ma souffrance. Qu’ils soient torturés par les images des morts : je ne le veux pas et c’est pour cela qu’on voyage, pour avoir une vie d’êtres humains et non pas de bêtes poursuivies par les chasseurs. Enfin, assez parlé de moi, revenons à vous. – Moi ! que voulez-vous que je vous dise ? –Eh, bien ! tout. – Je m’appelle Christophe et cela vous le savez déjà mais ce que vous ne connaissez pas c’est que je suis journaliste et que je suis venu au Cambodge dans le but de prendre quelques photos et de m’informer pour un livre que j’écris concernant la guerre et ses victimes. – Vous cherchez alors à réveiller la conscience qui dort, mais va-t-elle se réveiller ? Excusez-moi maintenant mon frère a besoin de moi. J’ai été ravi de vous connaître. – Moi aussi, à tout à l’heure. »

C’est ainsi que j’ai connu son histoire et j’espérais pouvoir parler avec lui une autre fois, le soir, mais il était très occupé par ses frères et il dormit comme eux, tôt. Et c’est la nuit que j’ai senti le plus sa souffrance, il avait de la sueur partout et il criait une fois appelant son père et une autre sa mère. Je faisais semblant de dormir lorsqu’il s’est réveillé pour admirer le ciel comme s’il communiquait avec ses parents.

Deuxième jour du voyage : la fin de la rencontre.

Lorsque je me suis réveillé Zaw et ses deux frères prenaient le petit déjeuner ; il s’agissait de quelques morceaux de pain uniquement. Zaw s’est retourné vers moi : « Bonjour, Christophe… si vous le permettez, bien sûr. – Mais pas de problème Zaw, bonjour. Je vois que tu es joyeux ; puis-je en connaître la cause ? – C’est que nous allons arriver dans quelques heures en Taïlande. Venez partager le pain avec nous. – Merci et laissez-moi vous inviter à partager avec moi cette boîte d’ananas. – Volontiers. » Nous avons déjeuné ensemble comme une famille, sans hypocrisie. Tous leurs gestes étaient spontanés. Ling s’est installé à ma droite en me donnant un petit bisou sur la joue, disant qu’il m’aimait. Tchong a exprimé aussi son plaisir d’être avec moi. C’était si facile d’établir un lien profond d’amour et d’amitié avec ces enfants brillants. J’ai passé de magnifiques moments avec eux et c’était difficile pour nous de nous dire adieu. Lorsqu’on est arrivé en Thaïlande, je voulais les accompagner encore un peu plus mais je les ai malheureusement perdus de vue dans la bousculade.

Zaw est arrivé avec ses deux frères en Thaïlande : il pensait sans cesse à une vie normale et calme. Mais en descendant du navire, il a été choqué par les policiers qui mettaient tous les Cambodgiens de force dans des camionnettes. Les enfants avaient peur. Il essayait de les calmer mais c’était impossible. Il était lui-même gagné par la peur. Quelques minutes après, les camionnettes s’étaient arrêtées et Zaw connut la réponse à sa question : on va les placer dans un foyer consacré aux réfugiés cambodgiens, un foyer situé à la frontière, entouré d’un siège et de gardes qui veillent à ce que personne ne puisse pénétrer dans le pays.

Des femmes chétives, aux visages pâles, entourées de leurs enfants sales ne portant presque pas de vêtements, étaient en train de préparer du ragoût et du pain. Les hommes, aussi maigres, étaient en train de faire plusieurs travaux : certains lavaient des peaux de vaches ou de moutons et les mettaient à sécher, d’autres les teignaient et les transformaient en sacs, en chaussures,… Ce travail était leur gagne pain. Chaque semaine, des hommes arrivaient, prenaient ce qui était fabriqué et leur donnaient en échange des sacs de farine et d’autres produits. La misère régnait en ce lieu : il s’agissait de la même vie qu’au Cambodge.

La nouvelle vie calme et de bonheur n’était qu’un rêve. Mais cela ne pouvait être ainsi, il fallait sortir de cette prison. Comment ? Il y pensait et il y arriverait ; il l’avait prà ses frères. Mais il fallait réagir contre ceux qui leur imposaient cette vie.

Un homme était venu dire à zaw : « Je veux que tu saches qu’en échange de votre nourriture et de votre logement dans cette tente, travailleras ainsi que le plus grand de tes frères. Le benjamin segardé par les femmes qui s’occupent de la nourriture. M’avez-vous bien compris ?  - Oui, monsieur. – Ne me regardez pas ainsi. Allez, au travail ! Et toi, va rejoindre les femmes et les enfants dehors. »

Zaw n’a pas voulu que son frère Tchong soit obligé de travailler mais pour pouvoir fuir de ce lieu, un jour, il fallait qu’il paraisse calme, facile à dominer. Leur travail consistait à nettoyer les peaux et à les transporter en un lieu bien ensoleillé pour qu’elles sèchent vite. C’était un travail difficile et fatigant surtout pour les pieds. Il n’y avait aucune machine à utiliser. On travaillait dès l’aube jusqu’au coucher du soleil. Zaw et son frère devaient supporter la fatigue et l’insulte qui révélait la haine des gardes, le racisme, une peste qui les attaquait.

Dix jours plus tard, pendant que Zaw et Tchong s’échinaient au travail, ils ont entendu un horrible cri qu’ils ont reconnu tout de suite : c’était Ling, de l’autre côté du foyer. Ils s’y précipitèrent, suivi des autres ouvriers.

Un nouveau choc se joignit à la liste des malheurs de Zaw : Ling, son cher petit frère, allongé par terre, gravement brûlé…Une femme criait : «  Zaw, tu dois me croire. Je voulais seulement l’effrayer lorsque j’ai perdu l’équilibre et l’eau bouillante s’est renversée sur lui. »

Sans dire un seul mot, Zaw a poussé la jeune femme violemment et a couru à la recherche du médecin, le seul être serviable et digne de respect dans ce foyer. Lorsque ce dernier arriva, Ling était déjà mort . Tchong se mit à frapper la femme : «  Cruelle ! Tu as tué mon frère ». Quant à Zaw, il tenait le cadavre en regardant le ciel avec des yeux pleins de larmes en disant : «  Père, voici Ling. Il n’a pas supporté les souffrances de mon chemin. Il vous rejoint au paradis pour un sommeil éternel , le vôtre».

Et c’est là que les gardes, sans aucun respect pour sa peine, le bousculèrent pour qu’il retourne au travail. «  Au revoir le silence. Bonjour la révolte, »se dit Zaw pour continuer à haute voix, adressant la parole aux gardes : «  Quel travail ? Vous êtes supposés nous aider et au contraire, nous sommes toujours insultés et maltraités. En plus, vous voulez nous priver de pleurer les êtres qui nous sont les plus chers. Assez de souffrance ! - Tu oses nous parler sur ce ton ? On va te montrer ce qu’est la vraie souffrance », a répondu l’un des gardes.

Tchong, inquiet pour Zaw et triste pour Ling, a choisi enfin de s’occuper de Ling en brûlant son cadavre, ce qui était la tradition au Cambodge avec l’aide du médecin touché par ce drame et se demandant ce qui allait arriver au pauvre Zaw.

Le lendemain, on connut la réponse. Zaw avait les yeux gonflés, ce qui rendait la vision impossible ; il saignait du nez et de la bouche ; ses vêtements déchirés laissaient voir d’affreuses traces sur son corps. Ses souffrances ne s’arrêtèrent pas là. On l’attacha au milieu de la cour, assiégé par des fils électriques pour que personne ne puisse l’aider, sans eau ni nourriture.

Tchong s’est trouvé alors obligé de faire le double de son travail . En plus, il aidait les femmes à préparer le riz et à transporter de l’eau. Chaque jour, son regard devenait plus effrayant. Bref, sa santé s’est détériorée. La libération de Zaw n’a rien changé. Un jour, il cracha du sang et on sut qu’il avait la tuberculose et qu’il était près de quitter ce monde pour rejoindre les siens. Quand l’heure du départ sonna, Zaw se mit à crier comme jamais il ne l’avait fait. « Tchong, je t’en prie, réveille-toi ! Ne me laisse pas sel ! Gardes, où êtes-vous ? Tuez-moi ! Je veux l’accompagner »… Personne n’est venu le consoler. Il resta vivant pour souffrir : c’était son destin.


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